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Loving Little Lamu
L’âme lente de Lamu
byKiki Müller
She asked me where in the world I would most love to go. She was afraid of flying, but I had been through a tough time, so this summer, she said, she would follow me anywhere. Now that’s friendship, I thought. And so, we flew to Lamu.
Elle m’a demandé où j’aimerais le plus aller dans le monde. Elle avait peur de voler, mais comme  j'avais traversé une période difficile, elle dit, alors cet été, elle me suivrait n'importe où. Voilà ce qu’est l’amitié, ai-je pensé. Et c’est ainsi que nous avons pris l’avion pour Lamu.

I can only assume that the first look at our flight schedule made her regret her offer immediately. Our route takes us via Frankfurt to Nairobi, by car from airport to airport across the sprawling African metropolis, only to then fly onwards in a small propeller plane—multi-stop, to make matters worse: We took off and landed twice before the stop was finally ours. A dusty walk to the river, a boat ride across, until, finally, we arrive. 

Je ne peux que supposer que le premier coup d'œil à notre programme de vol lui a immédiatement fait regretter son offre. Notre trajet nous mène via Francfort à Nairobi, en voiture une fois à travers la vaste métropole africaine d’un aéroport à l’autre et, pour ensuite voler dans un petit avion à hélice – vol à plusieurs escales pour aggraver les choses : nous avons décollé et atterri deux fois avant que l’escale ne soit enfin la nôtre. Une marche poussiéreuse jusqu’à la rivière, une traversée en bateau, et enfin, on arrive.

Lamu is a small, flat sand island in the Indian Ocean, just a few hundred meters off the Kenyan mainland. Its capital, Stone Town, founded in 1350 by Arab traders and built from coral stone and mangrove wood, is now the best-preserved Swahili settlement and home to the oldest trading port in East Africa. Over the centuries, the island has seen many come and go—from the sultans of Oman and traders from India to Portuguese explorers, German postal agents, and British soldiers. In 1963, it gained political independence as part of the British colony of Kenya. A decision with little to no impact: Life on Lamu continued in its own slow rhythm, as it always had, no matter who came, no matter who went.

Lamu est une petite île de sable dans l'océan Indien, à seulement quelques centaines de mètres du continent de la côte kényane. Sa capitale, Stone Town, fondée en 1350 par des marchands arabes et construite en pierre de corail et en bois de mangrove, est aujourd'hui la mieux préservée des colonies swahilis et abrite le plus ancien port commercial d'Afrique de l'Est. Au fil des siècles, l'île a vu de nombreux passants – des sultans d'Oman et des marchands indiens aux explorateurs portugais, agents postaux allemands et soldats britanniques. En 1963, elle a acquis son indépendance politique en tant que partie de la colonie britannique du Kenya. Une décision sans grande conséquence : la vie à Lamu a continué son rythme, comme elle l’a toujours fait, peu importe qui venait ou partait.

And with the newfound political steadiness, the next who came were the rich and famous. Little Lamu, by ways of wonder, suddenly was referred to as the Saint-Tropez of Africa: Mick Jagger has been a frequent visitor, as have Sting, Kate Moss, and Madonna. Tracey Emin comes to visit friends, just like Sienna Miller, Ewan McGregor, and Caroline of Monaco. Sounds fancy. But Lamu is not Saint-Tropez, Kenya is not France, and Africa is not Europe. And those who choose Lamu, A-lister or not, are searching for what Saint-Tropez may have once been—and avoiding everything that it has become.

Et avec la stabilité politique retrouvée, les prochains à arriver furent les riches et célèbres. La petite île de Lamu fut soudainement surnommée le Saint-Tropez de l’Afrique : Mick Jagger en a été un visiteur assidu, ainsi que Sting, Kate Moss et Madonna. Tracey Emin vient rendre visite à des amis, tout comme Sienna Miller, Ewan McGregor ou Caroline de Monaco. Cela semble glamour. Mais Lamu n'est pas Saint-Tropez, le Kenya n'est pas la France, et l'Afrique n'est pas l'Europe. Ceux qui choisissent Lamu, qu'ils soient célèbres ou non, recherchent ce que Saint-Tropez a peut-être été un jour – tout en fuyant ce qu’il est devenu.

Most visitors reside in Shela, a sleepy little village south of Stone Town. Here, you can stroll in shorts and a T-shirt, shop at Sandy Bornman’s Concept Store Aman, sunbathe in a bikini, sip cocktails at the Peponi Hotel, or enjoy a homemade gelato at Ali's. Apart from a few people, the narrow alleyways are mostly frequented by donkeys. And from Shela, a more than ten-kilometre-long white sand beach stretches along nothingness, offering more space than one could ever need. The only things that occasionally break the silence out here are the rumbling engines of ageing fishing boats or camel caravans and donkey herds transporting goods across the fine sand. How much peace does a person need? Us two: not all that much. After the first few days of relaxation, we crave action. 

La plupart des visiteurs séjournent  à Shela, un petit village paisible situé au sud de Stone Town. Ici, on peut flâner en short et T-shirt, faire du shopping au Concept Store Aman de Sandy Bornman, bronzer en bikini, siroter des cocktails au Peponi Hotel ou déguster une glace maison chez Ali. À part quelques personnes, les ruelles étroites sont principalement fréquentées par des ânes. Et depuis Shela, une plage de sable blanc longue de plus de dix kilomètres s’étend à perte de vue, offrant plus d’espace que l’on ne pourrait jamais avoir besoin. Les seuls bruits qui viennent parfois perturber ce silence sont les moteurs ronronnants des vieux bateaux de pêche, ou des caravanes de chameaux et des troupeaux d'ânes transportant des marchandises à travers le sable fin. De combien de tranquillité un être humain a-t-il besoin ? Nous deux : pas tant que ça. Après quelques jours de détente, nous ressentons le besoin d’action. 

«Good morning,» he says, introducing himself as our guide for today’s visit to Stone Town. He stands there with a face full of wrinkles, wearing a faded T-shirt from some European football club, and barely reaches our shoulders. «Kiki and Katja,» we introduce ourselves in return, asking for his name. He looks at us thoughtfully, though not unfriendly, tilts his head to the side, weighing his options. «Call me Bob,» he says. And off we go.

« Bonjour », dit-il en se présentant comme notre guide pour la visite de Stone Town. Il se tient là, le visage marqué par les rides, portant un T-shirt délavé d’un club de football européen, et mesure à peine plus que nos épaules. « Kiki et Katja », nous nous présentons à notre tour, lui demandant son nom. Il nous regarde, pensif mais pas désagréable, incline la tête sur le côté, comme s’il réfléchissait un instant. « Appelez-moi Bob », répond-il finalement. Et c’est parti.

Bob, it turns out, is quite the storyteller. As he leads us along the bustling harbour pier, where all sorts of shouting, loading, and selling are taking place, and into the narrow alleys of the old town, he, very proudly, tells us the history of his island, of the many who have been here, and the few who have stayed. The architecture and urban structure of Lamu, he says, reflect the cultural influences that have come together over the centuries from Europe, Arabia, and India. He shows us the most magnificent doors, charming courtyards, sits with us in doorways, and explains the local customs. He takes us to the market and points out mysterious fruits and unfamiliar vegetables. And, of course, he leads us into the shops of his friends, where we buy jewellery and little souvenirs. My overflowing love for donkeys and the corresponding need to pet and photograph every single one strikes him as somewhere between amusing and irritating. We end the day with a shared cup of tea.

Bob, il s'avère, est un véritable conteur. Tandis qu'il nous guide le long de la jetée animée du port, où se mêlent cris, chargements et ventes, et dans les ruelles étroites de la vieille ville, il nous raconte avec beaucoup de fierté l'histoire de son île, de ceux qui y sont passés et de ceux qui y sont restés. L'architecture et la structure urbaine de Lamu, dit-il, reflètent les influences culturelles qui se sont croisées au fil des siècles en provenance d'Europe, d'Arabie et d'Inde. Il nous montre les portes les plus magnifiques, les cours intimes, s'assoit avec nous dans des entrées de maisons et nous explique les coutumes locales. Il nous emmène au marché et nous fait découvrir des fruits mystérieux et des légumes inconnus. Et bien sûr, il nous guide dans les boutiques de ses amis, où nous achetons des bijoux et des souvenirs. Mon amour débordant pour les ânes et le besoin irrépressible de caresser et de photographier chacun d'eux  semble le rendre à la fois amusé et légèrement agacé. Nous concluons la journée par une tasse de thé partagée.

Apart from Stone Town, which was named a UNESCO World Heritage site in 2001, it is primarily the mangrove forests surrounding Lamu that lend the island its significance today. Around sixty percent of Kenya’s mangroves grow in the waters of the archipelago. Their ecological importance is immense: the deep root systems prevent soil erosion, and the plants act as nurseries for marine life such as fish, shrimp, and crabs, and birds nest in their canopies. Feeling the urge to move, we decide to explore them by kayak.

En plus de Stone Town, inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO en 2001, ce sont surtout les forêts de mangroves autour de Lamu qui donnent aujourd'hui à l'île son importance. Environ soixante pour cent des mangroves du Kenya poussent dans les eaux de l'archipel.Leur rôle écologique est considérable : leurs racines profondes préviennent l'érosion des sols, tandis que les plantes servent de pépinières pour la vie marine, comme les poissons, les crevettes et les crabes, et que les oiseaux nichent dans leur canopée. Ressentant l'envie de bouger, nous décidons de les explorer en kayak.

«Munip,» he says, though we could call him Whaleshark Hunter, as that's how he's known. And then he starts telling stories—about the whale sharks that appear every year off the coast of Lamu, which he can find faster than anyone else, as well as tales of cousins, uncles, and wild adventures of life by the sea. We understand only half of it, but his laughter goes straight to our hearts. We paddle through the mangroves, and Munip follows along in his motorboat—his pride and joy, which he cares for more than his children, as he mischievously tells us with a twinkle in his eye. On our way back to Lamu, we stop by his grandfather—or some other very old man—who serves us a corn cob outside his hut, while Munip shares stories of when elephants used to chase him through these very bushes. Whether he’s telling the truth is anyone's guess, but in moments like this, does it really matter?

« Munip », dit-il, bien que nous puissions l'appeler Whaleshark Hunter, car c’est ainsi qu’il est connu. Et il commence à nous raconter des histoires : des requins-baleines qui apparaissent chaque année au large de Lamu, qu’il trouve plus vite que quiconque, ainsi que des contes de cousins et d'oncles et de grandes aventures de la vie près de la mer. Nous comprenons à peine la moitié, mais son rire nous va droit au cœur. Nous pagayons à travers les mangroves, et Munip nous suit, joyeux, dans son bateau à moteur – sa fierté, qu’il chérit plus que ses enfants, comme il nous le confie en riant, d’un clin d'œil complice. Sur le chemin du retour vers Lamu, nous nous arrêtons chez son grand-père — ou un autre homme très âgé — qui nous sert un épi de maïs devant sa hutte, tandis que Munip nous raconte des histoires de l'époque où des éléphants le poursuivaient à travers ces buissons. Qu'il raconte la vérité, personne ne le sait, mais dans des moments comme celui-ci, est-ce vraiment important ?

I came to Lamu for the architecture, the sea, and all the donkeys. But I found so much more than that. Lamu is a place that unites worlds. Because despite all the obvious beauty, rich european hoteliers, and fancy visitors, things here just continue as they always have. Facades crumble, ships rust, and trash is left behind. Women walk veiled, and men determine politics over a cup of tea. If that triggers you, stay away. Because they like their ways and won’t change them just because you want them to. Lamu is not Saint-Tropez. And, hopefully, it never will be.

Je suis venu à Lamu pour l'architecture, la mer et les ânes. Mais j'y ai trouvé bien plus. Lamu est un lieu qui réunit des mondes. Car malgré toute la beauté évidente, les hôteliers européens riches et les visiteurs sophistiqués, ici, la vie continue comme elle l’a toujours fait. Les façades se dégradent, les navires rouillent et les déchets restent parfois. Les femmes marchent voilées et les hommes déterminent la politique autour d'une tasse de thé. Si cela vous dérange, mieux vaut rester à l’écart. Parce qu'ici, on aime ses traditions et on ne les changera pas simplement parce que vous le souhaitez. Lamu n'est pas Saint-Tropez. Et, espérons-le, cela ne le sera jamais.