How does one measure happiness? By questionnaire, King Jigme Singye Wangchuck decided in 2006 and made the annual assessment of society's happiness an official state mission. The so-called Gross National Happiness Index is just one of the many peculiarities that make Bhutan one of the most fascinating countries on our planet.
Fascinating, yet quite unknown. However ancient its history, the nation of Bhutan as we know it today is still very young. In 1616, Shabdrung Ngawang Namgyal, a Tibetan-born religious leader known as the Bearded Lama, unified the country's previously independent principalities into a theocratic kingdom: Bhutan, or Druk Yul—the Land of the Thunder Dragon. The initial decades of unity brought peace and stability, but from the early 18th century, Bhutan repeatedly found itself in bloody conflicts along its borders, attacked by Tibet and occupied by British India. It wasn’t until February 12, 1971, that the country gained full sovereignty under international law. When Jigme Singye Wangchuck was crowned the fourth Druk Gyalpo, the fourth dragon king, three years later, only few could have predicted how his humility and vision would so profoundly shape the mountain kingdom's future.
Comment mesure-t-on le bonheur ? Selon le roi Jigme Singye Wangchuck, grâce à un questionnaire, qu’il introduit en 2006, faisant de cette enquête de satisfaction une mission d’État qu'il choisit de renouveler chaque année. Le résultat se nomme Gross National Happiness Index et ne constitue que l’une des nombreuses particularités qui font du Bhoutan l'un des pays les plus fascinants au monde.
Fascinant, et pourtant largement méconnu. Bien que son histoire soit ancienne, la nation telle que nous la connaissons aujourd’hui est relativement jeune. En 1616, Shabdrung Ngawang Namgyal, dignitaire religieux né au Tibet, surnommé le Lama Barbu, regroupe les principautés du pays, jusque-là indépendantes, en un royaume théocratique : le Bhoutan – ou Druk Yul, pays du dragon. Après des premières décennies de paix, le Bhoutan se retrouve, au début du XVIIIe siècle, au cœur de conflits sanglants le long de ses frontières, attaqué par le Tibet et occupé par les Indes britanniques. Ce n’est que le 12 février 1971 que le pays voit son autonomie reconnue par le droit international. Lorsque Jigme Singye Wangchuck, est couronné le quatrième Druk Gyalpo, roi dragon, trois ans plus tard, rien ne laisse présager à quel point son humilité va marquer l’avenir du pays.
In August 1998, he surprised the entire nation by voluntarily limiting his powers and placing the Bhutanese crown under the authority of Parliament—against the explicit advice of his government. He dedicated the remainder of his reign to transforming Bhutan from an absolute monarchy into a constitutional one, a transition completed by his son and successor, Jigme Khesar Namgyel Wangchuck, with the country’s first free parliamentary elections in 2008. Jigme Singye Wangchuck left his mark on history as a king who consistently prioritised the welfare of his people over personal power. He also became the first head of state to formally place greater importance on well-being than on economic growth.
En août 1998, il surprend toute la nation en limitant ses pouvoirs, contre l’avis du gouvernement, et en plaçant la couronne Bhoutanaise sous l’autorité du Parlement. Il consacrera le reste de son règne à transformer le Bhoutan d’une monarchie absolue à une monarchie constitutionnelle – une démarche que son fils et héritier du trône Jigme Khesar Namgyel Wangchuck concrétisera en 2008 en organisant les premières élections parlementaires libres. Jigme Singye Wangchuck aura marqué l’histoire par ce sceau : celui d’un roi qui a toujours fait passer le bien-être de son peuple avant le sien. Il est aussi le premier chef d’État à accorder officiellement plus de valeur à la satisfaction du peuple qu’à la croissance économique.
Bhutan, the hidden kingdom of bliss. The place radiates serenity: dogs lounge peacefully in the sun, children play with carefree laughter, and adults stroll with unhurried ease. Is this what happiness looks like, I wonder? Could well be.
And yet, after my trip, happiness is not the first notion I associate with Bhutan. Rather, it is virtues such as modesty, respect, consideration, and a sense of community. Because even more so than by its remoteness, life in Bhutan is defined by a deeply rooted spirituality. The state religion is Tantric Mahayana Buddhism, whose aim is not only to refrain from harming others but to do good to every living being that crosses one's path. This deep sense of community is a driver for positive change on the one hand—and, at the same time, a barrier to progress, where, by definition, certain things and certain people get left behind.
Le Bhoutan, royaume caché de la félicité. Le pays évoque la sérénité : des chiens endormis étendus, des enfants qui jouent, des adultes souriant. Est-ce cela, le bonheur ? Tout porte à le croire.
Pourtant, après mon voyage, le bonheur n’est pas la première notion que j’associe au Bhoutan, mais plutôt des vertus telles que l’humilité, le respect, la prévenance et l’esprit de solidarité. Marquée par son isolement, la vie au Bhoutan est avant tout façonnée par une profonde spiritualité – sa religion d’État étant la forme tantrique du bouddhisme Mahayana. Ainsi, au Bhoutan, on veille non seulement à ne pas nuire à autrui, mais surtout à être bon envers chaque être qui croise son chemin. Une vie sous le signe du respect mutuel et de l’harmonie, où le fort sentiment d’appartenance à une communauté est central, même s’il implique un certain frein au progrès.
And so the small kingdom performs a delicate balancing act between tradition and zeitgeist, development and preservation, luxury and modesty. Ever since the Aman hotel group became the first international chain to open a five-star resort on Bhutanese soil in 2004, the country has earned a reputation as the ultimate luxury destination, and for many, travelling to Bhutan seems an unattainable dream. Which suits the kingdom just fine.
It has long been decided that mass tourism has no place here, that the country should be discovered thoughtfully and under professional guidance. Those who want to see more of Bhutan than Paro and the capital Thimphu must travel accompanied by a guide. Those who do not want to use public transport must hire a local driver. And everyone pays 100 US dollars a day as a tax, simply for being there. This Sustainable Development Fee (SDF) favours visitors with deep pockets—and brings numerous benefits to the country: financial resources to enhance infrastructure and support sustainable projects; attractive job opportunities for locals in the tourism sector; and the certainty that under the guidance of professional guides, visitors will adhere to local customs and treat the country's rich cultural heritage with respect.
Le petit royaume jongle ainsi habilement entre tradition et modernité, développement et préservation, luxe et abnégation. Depuis qu’en 2004, le groupe hôtelier Aman a ouvert le premier hôtel cinq étoiles sur le sol bhoutanais, le pays est considéré comme la destination de luxe par excellence. Ce qui n’est pas pour déplaire au royaume.
Le pays a fait le choix, depuis longtemps, de rejeter le tourisme de masse et de s'exposer avec parcimonie, sous bon contrôle. Ceux qui qui souhaitent explorer au-delà de Paro et de la capitale, Thimphou, devront être accompagnés d’un guide. Et ceux qui ne veulent pas utiliser les transports publics devront s’assurer les services d’un chauffeur local. Chaque visiteur doit en outre s’acquitter d’une taxe de séjour de 100 dollars US par jour. Cette sustainable development fee, qui suppose des visiteurs au portefeuille bien fourni, est une manne pour le pays, qui s’en sert pour développer ses infrastructures, faire avancer les projets de développement durable et créer des emplois attrayants pour les autochtones dans le tourisme, tout en garantissant, grâce à la présence des guides, que les visiteurs respectent les us et coutumes locales ainsi que le patrimoine culturel.
Because despite its modest living conditions and the lack of material wealth, Bhutan is rich in customs, beliefs, and traditions. Everything here holds a meaning, a purpose, a history. And unlike in our part of the world, people are in no hurry to modernise. The national sport is archery, and an overwhelming majority of Bhutanese only ever leave the house in the traditional garments—women in a kira, and men in a gho. No major life decision is taken before consulting an astrologer, and almost all locally produced goods are made entirely by hand.
Car, même si le pays est associé à l’idée de luxe, les conditions de vie y sont simples et et les infrastructures restent perfectibles. Le Bhoutan n’est pas riche au sens strict, mais riche de coutumes, de croyances et de traditions qu’il faut savoir décrypter. Tout, ici, a une signification, une vocation, une histoire. À contre-courant de nos sociétés occidentales, le pays ne semble pas pressé de se moderniser. Le tir à l’arc est le sport national, et la grande majorité de la population porte la tenue traditionnelle au quotidien – la kira pour les femmes, le gho pour les hommes. Toutes les décisions importantes ne sont prises qu’après consultation d’un astrologue, et presque tous les biens produits localement sont fabriqués à la main..
In Bhutan, it is best not to be pressed for time. No hurry, no worry is written on signs at the roadside. Time is an interesting concept in this little kingdom. It holds no real importance, and yet it governs everything. Things just take as long as they take. It is a life with time, not against it.
And since nobody has to rush, everything here seems built to last for eternity. All buildings rest on thick walls and are intricately and time-consumingly decorated in the country's traditional style. The handwoven fabrics are crafted with such care and skill that they can be worn for decades. Great attention to detail takes on a whole new meaning here. It is a generosity of time and resources that, in today's world, so very obsessed with maximum efficiency, can almost feel jarring. I wish there were more of it.
Au Bhoutan, mieux vaut ne pas être pressé. En effet, j’ai l’impression que l’impatience n’existe pas ici. No hurry, no worry indiquent les panneaux sur le bord des routes. Dans ce petit royaume, le temps est un concept fascinant. Il n’a aucune importance et pourtant, il régit tout. Tout prendra le temps qu’il faudra: l’adage est valable en toute situation. On vit avec le temps, non contre lui.
Personne n’ayant à se dépêcher, tout semble conçu pour durer une éternité. Les murs sont épais et richement décorés. Les étoffes tissées à la main dans tous les motifs et couleurs possibles sont de la plus haute qualité – et souvent portées par plusieurs générations. Au Bhoutan, l’amour du détail prend tout son sens. Ailleurs, où l’efficacité est la mesure de toute chose, la générosité semble presque agaçante. Pourtant, j’aimerais qu’il y en ait davantage.
With each passing day I find myself more and more deeply immersed in an unexpected sense of calm—a calm that makes me wait patiently and sleep soundly; a calm that has me forget all the things I would have to do if I wasn't where I was and had decided to spend a week consciously not doing them. It is an inner peace that seems to bring with it a sense of outer peace as well: I listen more attentively, observe more closely. I manage to actually stand still. I speak less, judge more reluctantly. I think I chew more slowly. And I decide that this, to me, is the true magic.
Experiencing Bhutan means taking the time to forget the time, to enjoy what is without worrying about what could be. Here too, people fight, steal, and lie; here too, people are condemned and marginalised. Bhutanese are no better humans than we are. But perhaps they are trying to become better, in a somewhat better way.
Au fil du voyage, je suis envahie par un calme profond qui m’était jusqu’alors inconnu. Un calme qui m’aide à patienter et à dormir paisiblement, qui me fait oublier ce que j’aurais à faire si je n’étais pas là et n’avais pas décidé de passer une semaine à ne rien faire. Un calme intérieur qui se reflète à l’extérieur par une écoute plus patiente, une observation plus attentive. Je parle moins, mes jugements sont plus réservés. Je crois que je mâche plus lentement. Et au final, me dis-je, c’est cela qui fait la magie de ce pays.
Découvrir le Bhoutan, c’est prendre le temps d’oublier le monde. De profiter de ce qui est sans se demander ce qui pourrait être. Ici aussi, on se livre à des combats sanglants, on vole et on ment. Ici aussi, les gens sont jugés et marginalisés. Les Bhoutanais ne sont pas de meilleures personnes que nous. Mais peut-être essaient-ils un peu plus de le devenir.